Les jeux de ma vie “d’adulte” (1/3)
Little Big Planet (PlayStation 3, 2008)
Pourquoi je m’y suis mis ?
J’ai découvert ce jeu à l’école, en cours de Game Design. Le prof, qui bossait chez Ubi, a monté tout un argumentaire pour nous expliquer à quel point Little Big Planet avait son importance dans la Grande Histoire vidéoludique. Plusieurs d’entre nous ont succombé à la qualité de sa présentation, sincère et désintéressée par ailleurs. On y a joué un peu avec des potes de classe, et en effet, on a bien accroché ! Mais j’ai découvert son vrai potentiel plus tard, quand j’y ai rejoué avec ma copine après qu’on ait emménagé ensemble. À ce moment-là, j’ai vraiment compris que je tenais une sacrée légende de ouf entre mes mains.
Pourquoi j’ai aimé ?
Le jeu de plateforme, je ne m’y intéressais plus des masses depuis une bonne dizaine d’années, depuis que l’Exode d’Abe avait fait son temps, en l’occurrence. J’avais un peu oublié l’existence de ce genre que j’adulais gamin, supplanté par les RTS, jeux de gestion, MOBA et plein d’autres trucs qui m’envoyaient plus de paillettes au visage quand j’ai grandi. Jusqu’à l’arrivée de Little Big Planet. Quand j’ai pris la manette et martyrisé mon petit sackboy dans son propre monde, ma mâchoire a failli tomber plusieurs fois. Je ne la referais que pour répéter : “Ah ouais ! trop génial, en fait !” LBP appartient certes au jeu de plateforme en 2D, mais en plus on s’accroche, on dévale des pentes de malade, on balance des grappins à tout va, on pilote des bagnoles, on collectionne des trucs, on décore notre cockpit perso, des pans entiers de décors se bâtissent ou s’écroulent autour de nous, des monstres prennent vie, des galaxies s’éteignent ! Tout ça sur trois niveaux de profondeur, eh !
Quand on joue à plusieurs, on s’amuse encore plus ! En coopération d’abord, pour débloquer des zones inaccessibles en solo, ou pour rattraper son pote qui allait se jeter dans le gaz horrible (vrai nom de cette espèce de brouillard omniprésent, parfois même mobile, qui tue nos petits avatars en une fraction de seconde). Mais on se rend compte que se mettre des bâtons dans les roues, même si on cherche à terminer le même jeu, ça prend une tout autre saveur. Tirer au grappin sur un autre sackboy le freine pendant qu’il court ou qu’il saute, par exemple. N’importe qui ayant déjà testé Little Big Planet plus de cinq minutes s’est amusé à pourrir la vie de ses amis avec le grappin. On se croirait presque dans un beat’em up, quand on finit toujours par tabasser son voisin qui combat le crime à vos côtés. Par ailleurs, il existe plein de sections de niveaux dans lesquelles les membres de l’équipe deviennent soudain adversaires, histoire de scorer au maximum ; comme quoi, les développeurs ont dû avoir les mêmes délires.
Bon, avec tout ça, on tient déjà un jeu assez propre. Sauf qu’en évoquant seulement le gameplay, on n’a encore rien vu. Quand on s’attaque à la direction artistique, là on se prend mind blow sur mind blow ! Tous ces niveaux à la plastique incroyable, ce level design impeccable, ces ambiances de folie ! Little Big Planet m’a fait comprendre quelque chose de crucial. Peu importe la qualité du concept, c’est l'atmosphère et l’affinité avec les graphismes qui procurent les émotions les plus vivaces, les plus durables ! Ouais, j’ai mis aussi longtemps que ça à m’en rendre compte. Et petit à petit, toutes les émotions procurées par mes jeux vidéo de gamin ont afflué par vagues successives de nostalgie. Pas certain que mon prof m’aurait laissé dire ça sans tomber à la renverse, tiens, puisqu’il enseignait surtout les mécaniques de jeu. En tout cas, ce titre possède l’une des identités visuelles les plus classes de tous les temps, voilà. Chaque niveau reprend des clichés éculés, comme la savane africaine ou le temple japonais, mais parvient à en transcender l’essence de si belle manière, qu’on a l’impression de découvrir ces paysages pour la première fois de notre vie. Et merde, j’arrive pas à le dire de façon simple. Jeu vidéo ultra beau et ultra touchant, voilà !
Mais mais mais ! Et le son, alors ? Bah ouais, il joue une énorme part aussi. Je veux dire, il ne sert pas que de simple feedback pour dire qu’un danger approche, non. Chaque petit effet sonore donne l’impression de découler d'une mûre réflexion, enregistré avec amour, puis passé dans une espèce de moulinette magique qui lui donne ce petit plus indescriptible. Ce bruit d'une bulle renfermant un collectible qui éclate, il ne vous donne pas des frissons, à vous ? Et les voix des personnages que l’on rencontre tout au long de notre aventure ; leurs bruits chelous et leur charabia inintelligible les rend tellement attachants ! Aujourd’hui encore, pour aucune raison apparente, je me prends à imiter le rire extatique de la gamine rencontrée dans le niveau tutoriel, les monologues illuminés du gars bizarre qui joue le rôle de professeur pendant nos parties, ou encore les rots dégueux de Don Lu, sorte de monsieur patate mexicain. Ça s'est incrusté dans mon cerveau pour ne plus jamais le quitter, je crois.
Instant mé(ga)lomane : j’ai toujours préféré les OST originales dans les jeux vidéo, plutôt qu’une liste de morceaux déjà existants récupérés à droite à gauche. La B.O. de Little Big Planet fait figure d’exception, plus encore que celle de Gran Turismo 2 tant les titres choisis collent à la perfection aux niveaux qu’ils accompagnent. Mais genre, plus qu’à la perfection, en fait. Limite, le destin a permis à ces chansons d'exister, juste pour figurer dans le jeu. En bon gros boulimique de musique qui se la raconte sur sa pseudo culture dans le domaine, j’en connaissais déjà quelques-unes. Celles de The Go! Team et de DJ Krush, notamment (des artistes incroyablement géniaux). Les autres, j’ai pris un pied de malade à les découvrir, comme celle qui accompagne le dernier niveau, et sa roue infernale qui a dû en rendre fou plus d’un. Je crois que ce morceau a d’ailleurs été composé pour le jeu. Comme quoi ! Mais la chanson qui m’a fait totalement vriller, la voici ! Un monument, une légende, une divinité parmi les divinités de sa majesté la Musique en personne !
Ananda Shankar - Dancing Drums
Maintenant, on a déjà affaire au plus précieux des bijoux. Sauf qu’il en a encore sous le coude, le petit sacripant (référence insérée ici) ! Je parle de tout l’aspect collection, qui lui aussi a de quoi rendre taré. Le jeu regorge d’items à récupérer, plus ou moins secrets, plus ou moins compliqués à dénicher. Ces objets servent à customiser notre personnage en lui ajoutant tout un tas de fringues et accessoires, stylées ou complètement barrés, au choix. On les utilise aussi pour refaire la déco de sa petite maison, à laquelle on accède avant ou après une partie. Cette feature, bien que totalement inutile, transpire tellement la classe qu’avec ma copine, on a craqué. Un jour, en se levant le matin, on a bu =$notre bol de lait et on a déclaré : “OK ! ce jeu, on va le terminer à 100% ! C’est parti !” Et franchement, malgré toute la motivation du monde, on n’a pas réussi. On a dû plafonner à 97 ou 98% avant d’abandonner, épuisés par tant d’essais infructueux, à rejouer les mêmes sections de niveaux, encore et encore. Vous vous rendez compte ? On n’a jamais pu foutre cette casquette verte à strass sur la tête de notre petit sackboy adoré, juste parce qu’on n’a pas compris comment passer derrière le mur qui nous séparait d’elle ? On en a perdu le sommeil quelques jours, avant d’aller un peu mieux.
Pourquoi j’ai arrêté ?
Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, on n’a pas lâché Little Big Planet pour ses suites. Certes, on a acheté le 2 et le 3, on les a bien squattés (plus le 2 que le 3, cela dit), on les a bien appréciés et on a salué les gros efforts fournis par les devs pour rafraîchir le gameplay. MAIS ! On n’a pas été autant emportés que pour le premier. Question d’ambiance, voilà. Les voix en langage débilo-hilarant ? Envolées, laissant la place à de vrais dialogues parlés, snife. Les paysages ultra immersifs ? Remplacés par des décors cools, mais souvent surchargés, et moins… féériques. Je ne saurais pas mieux préciser mon sentiment, mais les suites ne possédaient plus la magie qui rendait amoureux de Little Big Planet 1. Et pourtant, on aurait tellement voulu adopter tous ces mignons petits sackbots du 2, eux d’accord, ils portaient encore en eux cette vibe si particulière. Après une session du 2 ou du 3, on finissait toujours par revenir au premier, quitte à tout recommencer de zéro. Et au final, on le connaissait tellement par cœur qu’on a fini par s’en lasser, sans oublier bien sûr de se lamenter sur les suites qui ne lui arrivaient pas à la cheville. Avec le recul, j’ai honte de n’avoir jamais exploré les niveaux créés par la communauté, il paraît qu’il y a un potentiel de malade.