Je vous met en copie la nécro de Médiapart, histoire de se rappeler que le terrorisme et la corruption ont financés la campagne sécuritaire de sarko en 2007. Les racailles et tout ça.
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Ziad Takieddine, le dernier jugement
Protagoniste clé des scandales Karachi et Sarkozy-Kadhafi, l’intermédiaire Ziad Takieddine est mort, mardi 23 septembre, à l’hôpital de Beyrouth. Deux jours avant le jugement du tribunal de Paris dans l’affaire des financements libyens.
Fabrice Arfi et Karl Laske
23 septembre 2025 à 21h00
23 septembre 2025 à 21h00
ÀÀ coup sûr, ses aveux, ses menaces et ses crises de nerfs ont hanté longtemps les nuits de Nicolas Sarkozy et de quelques autres. Il n’en dira pas plus. À deux jours du délibéré de l’affaire libyenne, Ziad Takieddine est décédé, mardi 23 septembre, à l’hôpital de Beyrouth, au Liban. Il avait 75 ans.
Son avocate Élise Arfi a confirmé auprès de Mediapart une dégradation de son état de santé ces deux dernières semaines, d’après des confidences reçues de la famille de l’intermédiaire, mais les causes exactes de sa mort ne sont pas connues à ce jour.
Ziad Takieddine avait quitté la France en juin 2020 après sa condamnation à cinq ans de prison ferme dans l’affaire Karachi, un dossier de détournements de fonds sur les ventes d’armes de la France – sa peine a été confirmée en appel en janvier 2025.
Fin mars, le Parquet national financier (PNF) avait requis contre lui une peine de six ans d’emprisonnement et 3 millions d’euros d’amende dans l’affaire des financements libyens, dont il était un des protagonistes clés. Il était alors sous le coup d’un mandat d’arrêt international, mais restait protégé au Liban, qui n’extrade pas ses nationaux.
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Ziad Takieddine à Paris, le 7 octobre 2019. © Photo Denis Allard / REA
Son décès pourrait bousculer le prononcé du jugement, prévu ce jeudi. De source judiciaire, plusieurs hypothèses sont envisageables : le tribunal pourrait être conduit à proroger son délibéré le temps qu’un acte de décès officiel soit produit. Il pourrait aussi disjoindre le cas de l’intermédiaire et rendre son délibéré pour le reste. Toutefois, si un acte de décès était produit d’ici jeudi par la voie diplomatique, le tribunal pourrait rouvrir les débats, recueillir les observations des parties au procès, clore de nouveau et rendre sa décision.
Né le 14 juin 1950 à Baakline, au Liban, où il doit être enterré ce jeudi, Ziad Takieddine est issu d’une grande famille druze. Il faisait souvent savoir que son grand-père avait été gouverneur de région sous l’Empire ottoman, son oncle ambassadeur et son père un haut fonctionnaire.
Étudiant en économie à l’université de Beyrouth, puis à Reading, en Angleterre, Ziad Takieddine a d’abord travaillé dans la publicité, pour la société Young & Rubicam. Il deviendra ensuite le directeur de la station de ski Isola 2000. C’est là qu’il rencontrera sa femme, avec laquelle il aura deux fils, nés en 1989 et 1996, avant de divorcer en 2007.
Dans les années 1990, Ziad Takieddine se reconvertit dans le business de l’armement et surtout des tractations occultes qui entourent parfois cette activité très lucrative. Sa proximité avec François Léotard, ministre de la défense du gouvernement Balladur (1993-1995), le propulsera au cœur de ce qui deviendra l’affaire Karachi, un scandale sur des commissions occultes liées aux ventes d’armes de l’État français avec le Pakistan et l’Arabie saoudite.
Avec Ziad Takieddine, c’est donc un important porteur de valises qui disparaît. Il avait été arrêté à la frontière suisse avec 500 000 francs en espèces en 1994, à l’approche de la campagne Balladur, puis avait été intercepté à l’aéroport du Bourget en 2011, dans un avion privé revenant de Libye, porteur de 1,5 million d’euros en cash.
Au service de la Sarkozie
Au début des années 2000, Ziad Takieddine s’était rapproché du clan Sarkozy, dont il a été un intermédiaire flamboyant auprès du régime saoudien, puis du dictateur libyen Mouammar Kadhafi. « À l’époque, il n’y avait aucun reproche connu formulé. Il [Ziad Takieddine] n’était pas sulfureux. Il avait pignon sur rue. Il recevait des responsables politiques libanais, français, il y avait des journalistes. Je lui ai ouvert la porte. C’était mon rôle de voir les gens qui avaient des projets », avait expliqué à la barre du tribunal l’ancien ministre Brice Hortefeux.
Ce dernier, en compagnie de l’homme politique Jean-François Copé, avait entretenu une grande proximité avec l’intermédiaire, avant de prendre ses distances quand il est devenu radioactif judiciairement.
Du temps de sa gloire dans les coulisses de la République, Ziad Takieddine jouissait d’un patrimoine évalué à 100 millions d’euros, qui comprenait un immense hôtel particulier à Paris, près du Trocadéro, une maison à Londres, un yacht, des berlines et beaucoup de comptes dans les paradis fiscaux.
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Lors de sa déposition le 13 janvier dernier devant le tribunal de Paris, Nicolas Sarkozy avait pour sa part tenté de tenir à distance l'intermédiaire, qu’il est allé jusqu’à traiter de « goret ». Mais lorsqu’il le rencontre en 2003, c’est, dit-il, un « monsieur très élégant », qui a « pignon sur rue », et « il n’est pas encore le fou qu’il deviendra après ». Mais il lui a paru « antipathique » et ne l’a jamais « senti ». « Je suis peut-être la seule personne qui n’a pas de photo avec lui », a proclamé l’ancien président pour sa défense.
« M. Hortefeux n’a pas connu Takieddine par moi. Je n’ai jamais demandé à Brice de le rencontrer. Il a des relations privées avec lui dont il ne me rend pas compte », avait-il aussi précisé. Et Claude Guéant « ne lui rendait pas compte ». Des déclarations accueillies avec scepticisme par le tribunal, tant l’ancien président donnait l’impression de se dissocier de ses plus fidèles hommes de confiance.
En 2004, Ziad Takieddine avait été victime d’un mystérieux accident sur l’île Moustique, dans les Caraïbes, qu’il n’a cessé de présenter par la suite comme une tentative d’assassinat en lien avec des marchés d’armement moyen-orientaux.
Il avait pignon sur rue. Il recevait des responsables politiques libanais, français, il y avait des journalistes. Je lui ai ouvert la porte
Brice Hortefeux au sujet de Ziad Takieddine, lors du procès des financements libyens
Au tribunal, les archives de Ziad Takieddine et toutes les traces laissées par ses missions secrètes à Tripoli ont été l’un des socles de l’accusation contre l’équipe Sarkozy, au premier rang de laquelle se trouvaient Claude Guéant, directeur de cabinet puis secrétaire général de l’Élysée, et Brice Hortefeux, ami intime et collaborateur de l’ancien président.
Lors du réquisitoire prononcé dans l’affaire des financements libyens, les magistrats du PNF avaient ainsi pointé le rôle de Ziad Takieddine dans le pacte de corruption présumé scellé par l’équipe Sarkozy avec la dictature libyenne. Des faits démentis par les prévenus.
Les débats avaient toutefois permis de montrer, d’après l’accusation, que c’était bien Takieddine qui avait conduit Claude Guéant et Brice Hortefeux auprès d’Abdallah Senoussi, beau-frère de Mouammar Kadhafi, pourtant condamné en France à perpétuité pour l’attentat contre le DC-10 d’UTA en septembre 1989, avant que des fonds soient effectivement versés par les Libyens dans l’espoir de financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Lui encore qui avait suivi les diligences du clan Sarkozy pour réviser la situation judiciaire du même Senoussi, visé par un mandat d’arrêt en France.
Lui enfin qui avait reçu et fait transiter des fonds envoyés par les Libyens vers le compte aux Bahamas d’un des anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy, un certain Thierry Gaubert.
Une fausse rétractation
Pour le PNF, Ziad Takieddine a été la « véritable cheville ouvrière du pacte de corruption, intermédiaire dans les relations franco-libyennes, artisan de la conclusion du pacte de corruption et de la circulation des fonds corruptifs via des circuits financiers complexes dont la seule justification était de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces flux ».
La dernière apparition publique de Ziad Takieddine remonte au 11 novembre 2020, lors de la diffusion par BFMTV de sa fausse rétractation dans l’affaire libyenne. On y voyait Ziad Takieddine, assis sur un banc, en bord de mer, modifier maladroitement son témoignage. Une enquête pour subornation de témoin permettra d’apprendre qu’une somme de 3 millions de dollars lui avait été promise pour se dédire et tenter de blanchir Nicolas Sarkozy après l’avoir longtemps accusé.
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La communicante Michèle Marchand, plusieurs hommes d’affaires sulfureux, mais aussi Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni, ont finalement été mis en examen dans cette affaire pour « recel de subornation de témoin » et « association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée ». Toujours à l’instruction, ce dossier est indépendant de l’affaire des financements libyens à proprement parler.
« C’est un faux repenti, ce gars n’a aucune crédibilité, il faut être clair », avait déclaré au sujet de Takieddine son pire ennemi, l’intermédiaire Alexandre Djouhri, qui n’avait pas brillé pour sa part par la rigueur de ses dépositions à la barre du procès des financements libyens, dont il était un des prévenus.
Ces dernières années, Ziad Takieddine avait trouvé refuge chez sa sœur et accumulé les dettes. Il avait été incarcéré à plusieurs reprises, notamment à la suite de plaintes engagées par des avocats lui réclamant notamment des honoraires impayés.
Fabrice Arfi et Karl Laske